mercredi 17 juin 2009

LA VERITE SUR LES ALLEGATIONS D'ABUS SEXUELS


La vérité sort plus facilement de la bouche des enfants que de celle de l’adulte

Un article de la psychologue suisse Claudia JANKECH sur les fausses allégations d’abus sexuels remet les pendules à l’heure, alors que le chiffre de 80 à 90% de fausses allégations est avancé sans aucune preuve par certains détracteurs de la parole des enfants. Le véritable chiffre des fausses allégations d’abus sexuels serait nettement inférieur : de 2% à 14% selon les cas.
Il ne s’agit pas d’une guerre de chiffres mais plutôt de l’avenir de milliers d’enfants que la Justice refuse de croire et qu’elle confie en garde exclusive au parent agresseur considéré comme accusé à tort, dans le cadre des séparations parentales. Cette injustice doit cesser.
Nos associations ont en charge des centaines de dossiers de ce type, présentés par des mamans désespérées qui ne parviennent pas à protéger ni à défendre leurs enfants contre les abus, car la Justice refuse de les croire. Une histoire racontée dans la pièce « La vérité vous rendra libres » qui montre notamment comment le fameux "Syndrome de l'aliénation parentale" est retourné et utilisé pour discréditer le droit des victimes. Ces dysfonctionnements judiciaires, présentés dans la pièce, ont été dénoncés par L'ONU qui a condamné la France dès 2002, mais depuis lors rien n'a été fait par l'Etat français pour que ça change.

La vérité sort plus facilement de la bouche des enfants que de celle de l’adulte, un article de Claudia Jankech
La Suisse a signé la Convention des droits de l’enfant faisant de ces derniers des personnes à respecter tout en tenant compte de leurs besoins spécifiques vu leur statut de sujets en croissance à qui les adultes doivent assistance et protection. Cette reconnaissance entraîne un nouveau contrat social, que certains adultes rechignent à accepter, soit parce qu’ils confondent l’autorité positive nécessaire à l’éducation de l’enfant avec le pouvoir de disposer de l’enfant, soit par méconnaissance de faits graves qui touchent l’enfance, soit simplement par peur de perdre leur statut supérieur. Parmi les signes de ce pouvoir les abus sexuels sont les plus abjects.
Les recherches actuelles en matière d’abus sexuel mettent en évidence les effets dévastateurs de ces mauvais traitements *: (American Psychiatrist Associaton, Document Reference No. 930003, Memories of Sexual Abuse) « L’abus sexuel sur des enfants et adolescents entraîne des conséquences négatives sévères. L’abus sexuel de l’enfant est un facteur de risque pour plusieurs désordres mentaux, incluant les troubles anxieux, les désordres affectifs, les troubles dissociatifs et les troubles de la personnalité »
La Tribune Médicale du 13 mars 2009, publie les résultats d’une étude canadienne menée par Patrick Mc Gowan ( Douglas Mental Health University Institute, à Montréal), qui travaille sur les mécanismes pouvant entraîner ces troubles psychiques graves : « Les abus sexuels et la maltraitance pendant la petite enfance peuvent modifier la réponse au stress à long terme en induisant des changements épigénétiques ». Cette étude « apporte les premiers éléments de preuve chez l’homme (…..), les traumatismes de l’enfance sont associés à une réponse au stress altérée et à un risque accru de troubles psychiques ».
Le professeur Danya Glaser (Congrés Cismai, 2006 Pescara), a fait état de recherches démontrant que le stress augmente le taux de cortisol, cette hormone attaque la myéline qui entoure les fibres nerveuses et expliquerait les nombreux déficits que les spécialistes retrouvent chez des enfants dont le processus de myélinisation est en cours et qui sont soumis au stress lié aux mauvais traitements subis.
Ces constatations scientifiques doivent nous inciter à mettre tout en œuvre pour apporter assistance à l’enfant abusé et maltraité ce qui implique aussi de dépister des éventuelles fausses allégations. Mais certains, épinglant les inévitables faux témoignages retentissants (affaire d’Outreau), venant même des enfants, voudraient jeter la suspicion sur la parole de l’enfant comme si ce dernier était plus sujet que l’adulte à mentir car influençable.
Comme si l’enfant était le seul être manipulable. Les médias, par exemple, ne manquent pas de citer les cas d’enfants ayant accusé à tort leur père ou tout autre personne, cachant par cette mise en exergue de faits isolés, le nombre important de cas d’enfants qui bravent leurs peurs pour dévoiler des abus qui les traumatisent.
Les interventions d’experts dans les médias, ne contribuent pas toujours à éclaircir la situation. Par exemple, le professeur Jaffé affirmant : « …Lors de séparations douloureuses, 90% des accusations de sévices sexuels sont abusives. Il s’agit d’un syndrome connu, celui de l’aliénation parentale. Il y a lavage du cerveau de l’enfant par le parent — parfois de bonne foi — qui veut se venger de son conjoint. Et cela biaise tout. » (Interview 24hs du 25.12.2005)
Il se trouve que les recherches sérieuses, menées sur des cohortes très importantes (135 573 enquêtes analysées par Trocmé et al.,2001, Canada) d’enfants donnent les chiffres suivants :
«… les pères qui n’ont pas la garde ont signalé 43 % de tous les cas de fausses allégations intentionnelles documentées dans l’ÉCI-1998, tandis que les mères ayant la garde des enfants sont responsables de 14 % des fausses allégations. Il est toutefois important de savoir que, même dans le contexte des séparations parentales, la plupart des allégations non fondées ont été signalées en toute bonne foi. Dans ces cas, de véritables malentendus ou un manque de communication sont à la base de l’allégation non fondée. Par ailleurs, même dans les cas de séparation parentale, 40 % des signalements sont corroborés et 14 % demeurent présumés ».
En ce qui concerne les enfants, ils ne sont responsables que de 2% de fausses allégations intentionnelles.
Ainsi le chiffre serait plutôt de 46% en cas de litige pour la garde et non 90%, et elles ne sont que rarement avancées par l’enfant mais plutôt par son entourage.
D’autres recherches, émanant encore du Canada (Allegations of sexual abuse when parents have separated, Nicholas Bala & John Schuman. Professor Nicholas Bala, Faculty of Law, Queen’s university, Kingston Ontario, mai 1999) mettent en évidence que *: « Plusieurs allégations d’abus sexuels faites par les enfants après la séparation parentale sont vraies. Dans certaines situations, l’abus commence quand la famille est encore unie, mais l’enfant se sent trop intimidé par la présence de l’abuseur pour dévoiler l’abus avant la séparation. Lorsqu’il y a eu abus sur le conjoint, le parent non maltraitant peut se sentir incapable de faire les démarches pour protéger l’enfant avant la séparation. Dans plusieurs cas, notamment dans les cas d’abus sexuel, l’abus ne commence pas avant la séparation et s’explique par les besoins émotionnels et la solitude du parent qui commence à abuser de l’enfant. Ainsi, certains parents abuseurs, qui sont sexuellement attirés par leurs enfants, sont des pédophiles (c'est-à-dire qu’ils ont une attirance sexuelle envers les enfants)- dans de nombreux cas l’abus est plus situationnel qu’à proprement parler pédophile. Dans quelque cas, l’abus peut être perpétré par le nouveau partenaire du parent et commence seulement une fois que ce dernier vient résider chez le parent ».
Conclusion de la recherche : « Chaque cas doit être étudié individuellement, avec ses particularités, et non basé sur des statistiques sur les cas en général. (….) Quoi qu’il en soit, les cas impliquant des allégations d’abus sexuel sont plus difficiles à résoudre par la médiation et la négociation et sont plus fréquents à finir en jugement.
Il ressort de la littérature que les allégations d’abus sexuel sont faits dans moins de 10% de cas de litige pour la garde, peut être il s’agit de moins de 1 ou 2% des cas. Parmi le groupe de familles en conflit pour la garde au tribunal impliquant des allégations d’abus sexuel, la part de cas non prouvés ou infondés est élevé, probablement entre 25 et 75%. Cependant, même lorsque les allégations sont considérées infondées, la part des allégations fausses intentionnellement est bas, se situant entre 3 et 30% ».
La plupart des allégations infondées sont le produit de mauvaises entente et communication. S’il y a allégation intentionnellement fausse, c’est souvent de la part du parent accusateur, mais dans de rares cas de l’enfant (en général âgé) qui fabrique délibérément une fausse allégation »
La notion de faux témoignage a été introduite en justice pour l’adulte, ce dernier reste la plus grande source de fausses allégations, notamment lors de litige pour la garde de l’enfant.
54% d’allégations d’abus qui seraient donc présumées ou corroborées, mettent clairement en évidence que si l’on ne peut pas toujours croire ce qui est avancé dans ce contexte, le phénomène d’abus reste important et qu’il est essentiel de ne pas jeter le discrédit sur le parole de l’enfant en tant que telle afin que les abus soient dénoncés le plus tôt possible et l’enfant soit ainsi protégé et les effets soient minimisés dans la mesure du possible.
En aucun cas les statistiques doivent remplacer l’analyse des cas particuliers et la recherche de preuves doit primer, comme dans toute situation présentée à la Justice.
A l’heure où l’imprescriptibilité des actes de pédocriminalité entre en force et que les personnes déconseillant de voter pour cette initiative insistent sur le fait qu’il faut détecter les abus sur les enfants le plus tôt possible car le temps effacerait les preuves et altèrerait les souvenirs, il est essentiel de ne pas jeter le discrédit sur la parole de l’enfant, en la présentant comme étant sujette à caution parce qu’aliénée, alors qu’il s’avère que la parole de l’enfant a plus de chances d’être vraie que celle de l’adulte.
Le proverbe populaire La vérité sort de la bouche des enfants, reste valable. Tout au plus pourrions nous dire La vérité sort plus facilement de la bouche des enfants que de celle des adultes.
Claudia Jankech
Spécialiste FSP en psychologue de l’enfant et l’adolescent
et en psychothérapie
Lausanne, mars 2009
Les paragraphes précédés par un * ont été traduits de l’anglais par C.Jankech

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